15/02/2009

L'art touché par la crise à Beaune

Jocelyne Titren répond au question de Benjamin Hutter pour le journal le Bien Public en date du 14 février 2009.

À l'heure où l'inquiétude grandit face à la baisse des ventes d'œuvres d'art, les galeristes de province semblent bien, à leur niveau, être touchés par la crise économique. Éclairage avec la responsable de la galerie Titren, à Beaune.

LE BIEN PUBLIC - On commence à sentir de vraies difficultés dans le marché de l'art au niveau international, comment cela se traduit-il localement ?
Jocelyne Titren - En province, il est clair que la fréquentation des galeries est en baisse. Simplement, le problème n'est pas seulement conjoncturel : il date de 2001, quand la chute des tours jumelles a vu l'effectif de touristes américains fortement diminuer. Beaune n'a pas été épargnée.
Plus récemment, on a pu voir les indicateurs des marchés baisser, dès 2007 en fait, et comme ce sont eux qui dictent la tendance, le « la » était donné pour la suite des événements. Les touristes suisses, qui achetaient beaucoup auparavant, se font également de plus en plus rares.

LBP
- Quels problèmes pose cette situation, pour des professionnels qui exposent et vendent dans les dimensions qui sont les vôtres ?
J. T. - Tout d'abord, il faut replacer la problématique dans le triptyque artiste-galerie-client, qui régit ce monde-là aujourd'hui. Le client, lui, n'a pas changé. La personne qui aime l'art, qui a une sensibilité, n'a pas bougé d'un pouce : c'est son porte-monnaie et ses priorités qui ne sont plus les mêmes.
Le galeriste quant à lui s'efforce de résister en travaillant sans relâche, sept jours sur sept. Les vacances ne sont plus qu'un rêve lointain en général…
À la galerie Titren, nous valorisons fortement l'aspect publicitaire, pour tenter de continuer à survivre. On touche à peine le SMIG à la fin du mois...

LBP
- Et du côté des artistes ?
J. T. - Puisqu'ils ne reçoivent pas d'aide, ils sont en grande difficulté. La création est pourtant un acte indispensable à la société ! Si on n'avait pas ce regard, cette beauté, le monde serait probablement plus triste, tout serait davantage guerre et vacarme… Selon moi, l'artiste doit continuer de créer, même s'il ne vend pas, car lui seul possède cette fenêtre sur le monde. Par son regard, il peut même redonner un peu d'espoir en ces temps moroses…

LBP
- Comment envisager l'avenir, dans une conjoncture où tout s'accélère, de surcroît dans le flou le plus total?
J. T. - Notre priorité est d'abord, au quotidien, de vivre pour payer ce que l'on doit. Sur le long terme, honnêtement, on se voile un peu la face, dans l'attente et la confiance en des temps meilleurs. On avance au jour le jour, en continuant malgré les difficultés.
Nous ne refuserions pas non plus des aides de l'État, légitimes dans le sens où l'on fait vivre la ville de Beaune, indirectement mais concrètement. Chaque année par exemple, notre galerie envoie presque 10 000 cartons d'invitation aux clients que nous avons répertoriés : on parle de la ville, fait vivre ses commerces et hôtels quand les gens répondent présents... Tous nos packagings sont d'ailleurs floqués du nom de la ville. C'est ma politique : vendre et acheter en valorisant Beaune. Qui sait ? L'ancrage local nous sauvera peut-être...

Propos recueillis par Benjamin HUTTER